Procès de l’attentat au Musée juif : “Une attaque qui a duré 82 secondes”

Après une matinée marquée par une demande l’avocat de Mehdi Nemmouche à l’encontre de l’association française des victimes de terrorisme, le procès de l’attentat du Musée juif de Belgique a repris ce jeudi avec la lecture de l’acte d’accusation.

L’instruction d’audience a démarré avec la lecture de l’acte d’accusation, dans le procès de l’attentat au Musée juif de Belgique, à la cour  d’assises de Bruxelles. Les procureurs doivent lire le document durant deux jours. Le procureur fédéral Bernard Michel et l’avocat général Yves Moreau, délégué au parquet fédéral, procèdent à cette lecture.

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Mehdi Nemmouche et Nacer Bendrer sont accusés devant la cour d’être auteurs ou co-auteurs de l’attaque terroriste commise le 24 mai 2014 au Musée juif de Belgique à Bruxelles. Quatre personnes y avaient perdu la vie.

L’acte d’accusation, long de 184 pages, retrace toute l’enquête, des premières constatations sur le lieu des faits à l’enquête de personnalité des accusés. Il reprend notamment les analyses de caméras de vidéo-surveillance, les déclarations de témoins directs des faits, les circonstances de l’arrestation des accusés, leurs antécédents judiciaires ou encore les expertises psychiatriques de ceux-ci.

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Cet acte a permis notamment de décrire parfaitement la scène de la fusillade, ainsi que les faits et gestes de l’homme qui a tiré avec une arme de poing puis une kalachnikov sur quatre personnes. Le tireur a ainsi mis “82 secondes” pour tuer trois personnes et en blessé grièvement une, avant de tirer sur des vitres et portes du musée et quitter la scène.

L’acte d’accusation expose que, sur les images de vidéosurveillance du musée, on voit un homme vêtu d’un pantalon noir, d’une veste plus claire et d’une casquette sombre franchir la porte d’entrée du musée. L’homme est porteur de deux sacs noirs, dont un en bandoulière. Absorbés par la lecture des prospectus du présentoir à l’entrée, les époux Riva, deux touristes israéliens, ne voient pas l’homme arriver. Celui-ci sort alors une arme de poing de son sac, se positionne bras tendu derrière le couple et fait feu à deux reprises.

Le tireur a changé d’arme

Sans marquer d’arrêt, l’homme avance ensuite jusqu’au bureau d’accueil. Il pointe son arme en direction de Dominique Sabrier, bénévole du musée, puis, se rendant compte qu’Alexandre Strens, employé de l’établissement, arrive vers lui, il tire dans sa direction. L’individu pointe ensuite à nouveau son arme vers Dominique Sabrier, laquelle s’accroupit derrière le bureau et semble vouloir atteindre quelque chose. L’auteur tire mais sans résultat. Il sort alors une arme plus longue d’un de ses sacs et tire sur la bénévole.

Enfin, il tire encore une fois vers le fond de la pièce, remet son arme dans le sac et se dirige vers la sortie en marchant.

La lecture de l’acte d’accusation a ensuite permis d’évoquer les différents témoignages autour de cette fusillade. La plupart des témoins décrivent une personne “calme”, et “concentrée” qui a “l’air d’un militaire”, voire “d’un policier”.

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“Peut-être une bombe”

Vient ensuite l’arrestation de Mehdi Nemmouche, le 30 mai 2014 à Marseille, dans un bus Eurolines parti la veille de Bruxelles. Un simple contrôle des douanes a permis de découvrir les armes que cachaient le suspect dans des sacs de sport. La douane a ainsi retrouvé plus de 200 munitions pour un fusil d’assaut et une arme de poing, ainsi que ces deux armes. Mehdi Nemmouche affirme devant les agents de la douane, avec un air “faussement calme” qu’il y a “peut-être une bombe” dans un de ces sacs, avant d’affirmer que ces armes ont été volées dans une Skoda immatriculée en Hollande. Il déclare qu’il voulait venir à Marseille pour les revendre car c’est “plus facile” dans cette ville.

Mehdi Nemmouche a alors été placé en garde à vue jusqu’au 4 juin, et transféré à Paris, avant d’être placé en détention provisoire dans le cadre du mandat d’arrêt européen établi par les autorités judiciaires belges. Durant cette période, entre son arrestation et la mise en détention provisoire, le suspect est interrogé à huit reprises mais refuse de répondre aux questions des policiers. Il affirmera juste qu’il n’avait pas de complice.

“J’exige de partir”

De même, devant les enquêteurs belges, Mehdi Nemmouche ne souhaite rien dire et refuse même d’entendre les questions des enquêteurs ou de la juge d’instruction, estimant que ses précédentes déclarations ont été révélées à la presse. “Je veux quitter ce bureau et j’exige de partir”, lance-t-il à la juge d’instruction Bernardo Mendez. “Les magistrats n’ont pas à parler à la presse et à violer leur propre droit donc moi je ne violerai pas mon droit mais le vôtre. Je ne vais pas respecter votre droit concernant les comparutions et les questions relatives à l’enquête”, clame-t-il.

La suite de l’acte d’accusation revient ensuite sur les auditions menées en Belgique auprès de proches de Mehdi Nemmouche et de personnes qui sont entrées en contact avec lui. Un ami d’enfance explique notamment qu’il s’est interrogé sur la radicalisation de Mehdi Nemmouche, celui-ci criant notamment “Allah Akbar” à sa sortie de prison en 2012, avant de partir en Syrie.

28 minutes et 28 secondes

L’enquête confirme que Mehdi Nemmouche a loué durant deux mois un appartement dans la rue Saint-Joseph à Molenbeek, chaque mois pour 350 euros en liquide. Le propriétaire des deux chambres que Mehdi Nemmouche a loués, Tarak Smirani, explique qu’il a seulement découvert après son départ les liens entre l’enquête de l’attentat du Musée juif et son ancien locataire. L’enquête démontre également qu’il était possible de faire en moins d’une demi-heure le trajet de 3,194 kilomètres (en comptant les détours signalés par des témoignages le jour de l’attaque) entre le Musée juif et l’appartement de la rue Saint-Joseph. Car le jour de l’attaque, il y a eu exactement 28 minutes et 28 secondes entre la fusillade et la première connexion sur l’ordinateur retrouvé dans l’appartement de la rue Saint-Joseph.

L’enquête française s’est aussi intéressée aux proches de Mehdi Nemmouche. La grand-mère maternelle du suspect, Tassadit Reski, qui a accueilli Mehdi Nemmouche durant trois semaines après sa sortie de prison en 2012, affirme notamment que son petit-fils avait changé de comportement et priait plusieurs fois par jour. Celle-ci s’est inquiétée quand son petit-fils, qui avait été absent durant de longs mois, est revenu en mars 2014 chez elle. Elle a demandé à voir son passeport, mais ce dernier a affirmé l’avoir perdu.

La tante de Mehdi Nemmouche, Danièle Nemmouche, explique pour sa part que “la prison l’a changé”. Après sa sortie de prison, Mehdi Nemmouche “priait cinq fois par jour, avait laissé pousser sa barbe et s’habillait en djellaba”. Un comportement qui a interpellé de nombreux proches, qui n’ont toutefois eu aucune réponse quant à leurs questions sur les séjours de Mehdi Nemmouche à l’étranger.

La lecture de l’acte d’accusation reprend ce vendredi dès 9h00 devant la Cour d’assises de Bruxelles. Cette fois, les procureurs raconteront l’enquête après l’arrestation de Nacer Bendrer.

Gr.I. avec Belga – Photo : Belga/Igor Preys

Reportage de Camille Tang Quynh et Camille Dequeker

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10 janvier 2019 - 17h35
Modifié le 11 janvier 2019 - 06h50