Procès de l’attentat du Musée juif : un accusé de faits d’une telle gravité a le devoir de s’exprimer, rappelle Me Koning

Une personne qui est accusée d’un fait aussi grave qu’un attentat terroriste a le devoir de s’exprimer, en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, a rappelé mardi Me François Koning, conseil de la famille de Dominique Sabrier, devant la cour d’assises de Bruxelles.

Lors de sa plaidoirie, l’avocat a rappelé le cas d’un suspect d’un attentat commis en Irlande du Nord dans les années nonante. Comme Mehdi Nemmouche, qui a opposé son fameux “DAS” aux questions qui lui ont été posées depuis le tout début de l’enquête, l’individu avait fait usage de son droit au silence et été condamné par la justice de son pays. Il avait alors fait appel de la décision devant la CEDH, mais la grande chambre de l’instance européenne, au sein de laquelle était rassemblé l’ensemble des juges, avait estimé que face à des faits aussi graves, un accusé avait le devoir de s’expliquer.

Son recours au droit au silence peut donc dans ce cas être assimilé à une preuve de culpabilité, a souligné Me Koning à l’attention des jurés.

“Ma cliente est la seule qui s’est vue assassinée”, rappelle Me Koning

“Ma cliente est la seule qui s’est vue assassinée par un terroriste”, a déclaré Me François Koning, mardi matin devant la cour d’assises de Bruxelles, prenant la parole pour défendre les intérêts des proches de Dominique Sabrier. Cette dernière, qui était bénévole au Musée juif de Belgique, avait été tuée lors de l’attentat qui s’y est produit le 24 mai 2014.

Après avoir résumé l’enquête, l’avocat a, comme son confrère Me Dalne la veille, tenu à saluer la mémoire des quatre personnes assassinées. “Que justice soit rendue aux victimes”, a affirmé Me François Koning, rappelant les propos d’un témoin.

“Le risque, c’est qu’on se focalise uniquement sur ceux qui sont vivants. La défense répète : ‘vous avez la vie de nos clients entre nos mains’. Mais vous êtes là aussi pour rendre justice aux gens qui ont été assassinés”, a poursuivi l’avocat de la partie civile, parlant de “gâchis considérable”.

“Ce sont quatre belles personnes qui ont été assassinées: une éditrice pleine de culture, polyglotte et qui venait de se réinstaller à Bruxelles, un couple marié depuis 18 ans qui a deux adolescentes, un jeune homme d’origine marocaine qui se prend d’intérêt pour la culture hébraïque et qui se fait assassiner au nom de l’islamisme. Elles étaient toutes en bonne santé, même ma cliente qui était âgée de 66 ans. On les a privées de leur vie”, a-t-il dit.

“Ma cliente est la seule qui s’est vue assassinée. Elle voit toute la scène, elle essaie de pousser sur ce bouton d’alerte… Des secondes qui ont duré une éternité”, a insisté l’avocat.

“Demandez-vous quel signal la nation entend donner à toute personne qui sera candidate à commettre des assassinats terroristes. Ceci ne peut plus jamais avoir lieu”, s’est-il adressé aux jurés.

“Il n’existe pas de preuve parfaite”, rappelle Me Koning aux jurés

Me François Koning, conseil de la famille de Dominique Sabrier, a rappelé aux jurés de la cour d’assises de Bruxelles qu’on leur demandait de se prononcer sur la culpabilité des accusés Mehdi Nemmouche et Nacer Bendrer au-delà de tout doute raisonnable, mais qu’il n’y a jamais de preuve parfaite. “Il peut rester une parcelle de doute. Ne tenez pas compte du doute déraisonnable que (la défense) va vous vendre de l’autre côté de la barre”, a-t-il plaidé mardi matin.

Me Koning a poursuivi sa plaidoirie en soulignant que les accusés ne s’étaient pas retrouvés dans le box par hasard. Deux juridictions professionnelles – la chambre du conseil et la chambre de mises en accusation – se sont déjà penchées sur les faits. Elles ont conclu qu’il s’agissait d’un assassinat terroriste et qu’il existait des indices de culpabilité suffisants pour renvoyer Mehdi Nemmouche et Nacer Bendrer devant la cour d’assises, a rappelé l’avocat.

Ce dernier a insisté sur le fait que cette décision n’avait pas été prise “à la légère”. “Elles n’ont pas jugé aveuglément, sans réfléchir”, a insisté Me Koning. Mounir Attallah était aussi inculpé, mais il a été décidé qu’il ne devait pas être renvoyé devant la cour.

En outre, plusieurs personnes qui auraient pu être poursuivies – l’ami de Mehdi Nemmouche, la jeune femme dont le téléphone a été utilisé pour appeler Nacer Bendrer… – ne l’ont pas été, a souligné le pénaliste, qui y voit une preuve que le dossier a bien été instruit à charge et à décharge.

Si trois douaniers “envoyés par la providence” n’étaient pas montés dans le bus à Marseille pour effectuer un contrôle de routine, lors de l’arrestation de Mehdi Nemmouche, il y aurait eu bien d’autres personnes en train de pleurer des victimes, a encore dit Me Koning.

“Les suspects ont le droit de mentir et de se taire, mais vous avez le droit et le devoir de ne pas les croire”, a-t-il adressé aux jurés. “Les deux accusés ont gravement et abondamment menti (…), encore devant vous, avec un culot inouï.”

Belga

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19 février 2019 - 11h17
Modifié le 19 février 2019 - 11h33